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Sentinelles971

Le blog d'information des Médecins Généralistes de Guadeloupe

A savoir sur le fonctionnement des « structures de santé ».

Médecine libérale : nouvel arrêt, nouveau danger, un article intéressant publié sur contrepoints.org… ou comment un arrêté du 27 février réglemente les «structure de santé».
On y apprend par exemple que :
«À aucun moment ce texte officiel ne contient le vilain mot de « médecins » alors qu’ils sont les principaux concernés…
Cet arrêté encadre l’association de plusieurs professionnels de santé en maison médicale et soumet de manière très officielle, cette « structure de santé » aux caisses d’assurance maladie et aux ARS…chargés de surveiller les « structures de santé » et de leur permettre une « rémunération valorisant de nouveaux services aux patients »une forme de ROSP
Voici à quoi devront s’engager les médecins, et ceux qui voudront aller travailler avec eux en « structure de santé » :
Ouvrir de 8h à 20h en semaine et le samedi matin.
« S’organiser » (sic) pour recevoir des patients ayant besoin de soins non programmés.
Se concerter entre médecins sur les cas complexes.
Si l’État n’obligeait pas les médecins à se concerter, ils n’en auraient jamais eu l’idée. Auparavant, à leur initiative, ils se réunissaient pour évoquer les cas complexes et appelaient cela « réunion de pairs », mais ça, c’était avant.
Se concerter avec la Sécurité Sociale.
Plus exactement transmettre au service médical de la Sécurité Sociale les données récoltées … le secret médical … n’a pas semblé être une priorité…
Élaborer un dossier médical électronique pour mieux le partager entre services concernés….
Avoir un système informatique compatible avec des professionnels qui souhaitent avoir connaissance du dossier du patient.
Le système sera imposé mais pris en charge financièrement (au moins en partie) par la CPAM. C’est pas cher c’est la sécu qui paye… Qui va stocker les données, où seront-elles stockées, à qui seront-elles accessibles ?

Et en échange ?
une rémunération « qui dépend de l’atteinte des résultats pour l’ensemble des engagements », donc qui récompensera ceux qui font tout ce qu’on leur demande. Elle sera versée après « vérification » de la CPAM et de l’ARS qui vérifiera « la cohérence du projet », pourra considérer qu’il n’est pas adéquat et « (…) être amenée à proposer à la structure des modifications du projet de santé au regard du contenu des engagements remplis dans le cadre du contrat, notamment ceux relatifs aux missions de santé publique répondant à des spécificités territoriales. »
Quelle rémunération ?
 en points … attribués en fonction de la compliance du médecin… mode de calcul est tellement complexe qu’il sera quasiment impossible de vérifier l’exactitude du montant versé.
Et la déontologie ?
… rémunération sera versée non pas au médecin à titre individuel, mais à la structure. Ce qui suppose de mettre en commun les honoraires. Or le partage d’honoraires est interdit ! Et plus encore, il est interdit de pratiquer le compérage, c’est-à-dire qu’il est interdit de tirer un bénéfice en envoyant un patient préférentiellement chez un professionnel exerçant dans la même structure…avec les mêmes intérêts financiers. Ce qui est plutôt contestable d’un point de vue déontologique.
Qu’à cela ne tienne ! L’État va interférer dans la déontologie médicale et lever cette interdiction !
Les professionnels de santé devront créer leur structure sous l’appellation SISA : Société Interprofessionnelle de Soins Ambulatoires (sorte de SCM). Ce statut permet officiellement d’autoriser le versement de la rémunération de la CPAM à une structure composée de différents professionnels qui peuvent alors se partager la rémunération, ce qui était jusqu’alors interdit. Ce statut casse donc les règles du code de la santé publique.

Les médecins pourraient donc être suspectés d’avoir un intérêt financier lorsqu’ils adressent leur patient à un professionnel de la même structure de soins : le médecin généraliste vous prescrit des soins infirmiers ou de kiné au même étage, et vous passez récupérer vos médicaments à la pharmacie du rez-de-chaussée. Évidemment, pour le patient, cela peut être confortable ; pour l’ensemble des professionnels de santé, cela entache leur réputation d’indépendance et d’objectivité ; mais surtout, comment le patient peut-il être assuré que les décisions sont prises en fonction de son seul intérêt ? Pourquoi ne pourrait-il pas choisir lui-même le kiné ou l’infirmière ou le spécialiste chez qui il souhaite aller ? Comment sera-t-il certain que le médecin choisit le meilleur pour son patient et non pas le meilleur pour lui ?

L’État intervient ici non seulement au niveau législatif, mais aussi dans la déontologie médicale. Il n’encadre plus, il emprisonne. Cet arrêté, sous les dehors habituels de « meilleur accès aux soins », signe la fin de la liberté du médecin, mais aussi celle du patient, qui ne doit pas oublier que les mutuelles sont prêtes à se saisir de ce marché