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Sentinelles971

Le blog d'information des Médecins Généralistes de Guadeloupe

COVID19: RETEX de Guyane.

A lire le Point épidémio régional Guyane Spécial COVID-19 du 10 septembre 2020 , avec pour mémoire un passage en stade 3 avec mise en place d’un couvre feu à Cayenne, et confinement dans certains endroits le 15/06/2020 (c’est a dire semaine 25), quand semaine 24 l’incidence était autour de 200/100 000 habitants, avec un taux de positivité autour de 12%…et qu’ils en étaient à environ 80 lits COVID occupés.
Les diagrammes ci-dessous confirment la cinétique et les délais avant l’inversion des courbes après de telle mesures.

Résultat depuis mars, pour une population de 290 700 habitants:
– 9462 cas confirmés
– 115 admissions en réa (41% > 65 ans, 75% ont présenté un syndrome de détresse respiratoire aigu, 92% présentaient au moins une comorbidité: surpoids/obésité (74%), hypertension artérielle (59%) et diabète (44%), et 26% y sont décédés.
–  total de 63 décès(dont 70% d’hommes)

COVID19: Retex d’un confrère testé +

Nous allons tous bientôt savoir faire le diagnostic clinique probable… mais en attendant un retour d’expérience intéressant:

Début brutal samedi 14 mars 18 h : fièvre 38° Céphalées toux , courbatures douleurs lombaires intenses  ++

J’ai appelé la ligne dédiées Coronavirus à 6h30 dimanche matin le Pr ROGER a décroché et m’a dit « aucun problème en tant que prof de santé vous venez tout de suite au centre de dépistage de RICOU on va vous tester  »
J’ai fait le dépistage et la personne qui vit avec moi  qui m’accompagnait et était asymptomatique l’a fait aussi  à 9h : nous sommes rentrés à notre domicile d’où nous ne sommes pas ressorti …
Appel téléphonique à 18h30 : verdict les 2 positifs !!
Depuis nous sommes en confinement total .

Le soir même j’ai appelé ma secrétaire pour lui demander le nom de tous les patients vus au cabinet depuis le lundi 09 mars . Dès le lundi j’ai été contacté par l’ARS pour établir la liste de tous les sujets « contacts » ( patients , amis .. )
j’ai transmis tous les numéros de téléphone ) qui ont été classés en risque faible , modéré et élevé . L’ARS s’est chargée d’appeler toutes ces personnes pour leur prodiguer les conseils .
Pour info l’ ARS a retenu le nom des personnes vues entre le vendredi et le samedi .

Sur le plan clinique j’ai été très mal dimanche céphalées vomissement fièvre entre 38 et 38°7 MAXI . J’ai ressenti une très grosse fatigue ++ des courbatures et une agueusie majeure responsable d’une anorexie ( perte de poids 3 kgs , fonte musculaire ) La toux est apparue au 5 ° j , sèche , pas de dyspnée et apyrexie complète depuis ce jour-là , persistance des lombalgies ++ violentes (nécessitant la prise de paracétamol) .
Pour la personne qui vit avec moi : asymptomatique le dimanche , apparition d’une fièvre autour de 38 °2 pendant 5 j sans toux .

L’ARS nous appelle quasiment tous les jours pour suivre notre état clinique

Samedi 21 (J7)  nous sommes retournés à RICOU : examen clinique normal ACP claire , persistance de la toux , poursuite du confinement total pendant une semaine , nouveau rdv à RICOU fixé au 28  (J14) pour le second prélèvement .

Nous recevons énormément de messages de soutien … c’est important 

Je ne vous cacherais pas que le passage du 6° 7° jour est angoissant , c’est à ce moment-là , en effet que la situation peut basculer et s’aggraver , et c’est à ce moment là que j’ai vu apparaître la toux ! Bien sûr je surveille  nos constantes Saturation température fréquence cardiaque et TA .

Et notre confrère de conclure: n’acceptez pas de faire des prélèvements sans équipement ( masques lunettes , charlottes , surblouses surchaussures ) le virus est très CONTAGIEUX

RetEx sur l’épidemie de chikungunya de 2014.

Au moment où s’annonce l’émergence d’une nouvelle arbovirose (Zika)… revenons sur les enseignements et conclusions du RetEx (retour d’expérience) sur l’épidémie de chikungunya en 2014, qui s’est tenu le 27 juin 2015 et dont on retiendra, en Guadeloupe:
une disparition dans la dynamique de l’épidémie en fonction des iles (également notée avec la Martinique)
chik iles
– des effets paradoxaux de la sécheresse, combinés aux problèmes de   réseaux d’eau, incitant la population à constituer des réserves d’eau qui dans certains cas ont contribué à la multiplication de gîtes larvaires.
chik et pluie

POINTS FORTS:
– Bon système de surveillance épidémiologique et une forte implication des professionnels de santé
Anticipation avec l’utilisation du PSAGE chikungunya ( outil d’organisation de la réponse et de la communication)
– Bonne coordination au niveau de l’ARS
– Forte réactivité des autorités (gestion et coordination des structures pilotée par la préfecture notamment) et de certaines municipalités, quand d’autres ont beaucoup tardé à se mobiliser…
Large mobilisation de partenaires et d’acteurs y compris privés (organisations patronales)
– Elimination rapide et organisée des déchets métalliques à risques et des filières de traitement performantes
Mobilisation progressive et large de renforts

POINTS FAIBLES:
– Difficultés à prévoir la dynamique de l’épidémie
– Difficultés à impliquer les populations et les municipalités  en dépit des actions (coûteuses) de communication et de la formation de relais, mais qui génèrent peu de changements des comportements
 – Absence d’un niveau de coordination des communes par l’AMG (Association des Maires de Guadeloupe) les élections municipales, les fêtes de carnaval ont également été des facteurs démobilisateurs.
– Absence de molécules adulticides

 PERSPECTIVES:
Actualiser le PSAGE avec des déclinaisons dengue/chik/zika
Optimiser les bases de receuil épidémiologiques (saisie/ressources humaines)
Reprofiler le service LAV (cadres et agents de terrains)
– Maintenir la collaboration avec les communes
– Elaborer une convention avec le SDIS visant à l’engagement de renforts opérationnels (30 agents formés) en cas d’épidémie ou de menace d’épidémie majeure.
– Réfléchir aux modalités d’implication d’autres sources de renforts humains (agents du Parc National, ou de l’ONF…)
– Etablir une ligne de conduite concernant l’utilisation des insecticides efficaces selon le risque épidémique.
– Poursuivre la recherche pour la LAV (insecticides, moustiques stériles ou génétiquement modifiés…)
– Poursuivre l’élaboration des plans communaux de lutte et de prévention des maladies vectorielles (moustique, rat…)
– Développer les réseaux d’information humains (Education Nationale, organisations patronales…), sociaux (internet…) et médiatiques (obtenir des espaces gratuits lors du passage en épidémie)
– Développer l’éducation à la santé (lutte contre le moustique…), et l’environnement.
– Revoir la stratégie de communication et mobilisation sociale (municipalités, associations…)

Sources: Bilan des actions de LAV et de prévention développées dans le cadre de l’épidémie de CHIKUNGUNYA EN GUADELOUPE et RetEx Chik 2014 ARS Guadeloupe Iles du Nord et Bulletin de veille sanitaire nov 2015

Point sur les recommandations de prise en charge de la DENGUE.

– Les dernières recommandations OMS datent de 2009 et sont principalement basées sur le test du tourniquet: technique peu répandue chez nous et dont la reproductibilité et fiabilité sont encore débattues…

Pour la prise en charge des adultes: Le document « dengue et conduite à tenir en phase épidémique » produit par l’ARS Martinique en 2009, a l’avantage de rappeler la clinique en 3 phases de la maladie, de produire un organigramme qui différencie clairement les patients à risque ou ayant des signes d’alerte, du « patient type » (le plus fréquent, sans pathologie associée, ni signe de complication), et de proposer une prise en charge adaptée à ces différents patients.

– Concernant les enfants: les recommandations de l’ARS Guadeloupe, qui s’inspirent de publications de 2007, préconisent un bilan biologique assez mal défini, systématique pour TOUS les patients et avant J3… ce qui semble abusif et ne cible pas la phase critique (classiquement autour du 5ème jour).

Un des objectifs du RETEX dengue qui a réunit en novembre 2011 des biologistes, infectiologues, pédiatres, urgentistes, épidémiologistes… des 3 DFA, est justement de formuler de nouvelles « recommandations d’orientation et de prise en charge des patients (adultes et enfants) suspects de dengue » notamment destinées aux médecins de ville, et qui répondent à « quel bilan biologique? pour qui? et quand? »
Nous nous en ferons évidemment l’écho dès quelles seront disponibles…