Partage

Sentinelles971

Le blog d'information des Médecins Généralistes de Guadeloupe

Vous consultez actuellement : Lectures et blogs

COVID19: la parole aux soignants du CHUG.


« Deux mois à affronter les assauts incessants de cette seconde vague.
Deux mois d’une violence qui a dépassé ce que chacun d’entre nous avait pu imaginer.
De longues semaines passées à avancer à tâtons, dans un tunnel dont nous avions fini par douter qu’il aurait un jour une fin.
Pourtant, après le pic, nous amorçons une descente. Grâce aux efforts collectifs, tous les patients ont pu être pris en charge. Aucun n’a été sacrifié au profit d’un autre.
Pour autant, il nous est impossible aujourd’hui de nous réjouir. La vague a été contenue, certes, mais à quel prix ?Patients, soignants, hôpitaux : la note s’annonce salée.
Celle qui en a déjà payé le prix, c’est Elisa, cette victime du Covid. Celle dont on tente de (se) persuader que le décès n’aurait pu être évité car elle avait des comorbidités. On aurait tout aussi bien pu dire qu’elle avait une famille, un travail et qu’elle venait d’accoucher le jour où elle est entrée en réanimation. Mais sans doute était-ce trop anxiogène alors on n’a retenu que ses comorbidités.Celui qui va en payer le prix c’est Georges, ce patient épargné par le Covid, mais qui se voit maigrir à vue d’œil. Celui qui a vu ses rendez-vous décalés à plusieurs reprises et qui n’ose plus se rendre à l’hôpital par crainte d’y contracter le virus. Il ne reste qu’à espérer que lorsque la crise sera terminée, pour lui, il ne soit pas trop tard.

Celle qui va en payer le prix, c’est Lydie, cette infirmière rappelée sur ses premiers congés depuis plusieurs mois et qui est venue travailler chaque jour en pleurs et la boule au ventre. Celui qui va en payer le prix, c’est Olivier, cet infirmier qui avait quitté le service pour protéger sa santé et sa vie de famille et qui est revenu dès le début de la crise prêter main forte à ses collègues.
Celle qui va en payer le prix, c’est Nathalie, cette infirmière tombée malade du Covid, stigmatisée et culpabilisée pour un supposé manquement aux gestes barrières et au sacro-saint devoir d’exemplarité.
Celui qui va en payer le prix c’est Meddy, ce médecin, pilier de l’hôpital, qui a jeté toutes ses forces dans la bataille et qui se retrouve vidé, en quête de sens, au point de ne savoir s’il aura le courage de continuer.
Celle qui va en payer le prix c’est Elodie, cette kiné qui passe ses journées à mobiliser des patients qui pèsent 3 fois son poids et pour qui l’obésité est une chose concrète, pas une vague comorbidité.
Celui qui va en payer le prix c’est Nicolas, ce logisticien qui constamment récupère et dispatche le matériel nécessaire à la prise en charge des patients jusqu’à l’épuisement physique.
Celle qui va en payer le prix, c’est Magali, cette jeune médecin brillante qui a été sollicitée plus que de raison au point que son corps dise stop et qu’elle se retrouve arrêtée de longues semaines.
Celui qui va en payer le prix c’est Alain, cet aide-soignant qu’on a tiré de sa retraite pour la deuxième fois de l’année et qui se demande quand elle pourra enfin commencer.
Celle qui va en payer le prix c’est Maelys, cette infirmière référente qui a passé plusieurs semaines à former des dizaines d’infirmières aux techniques de la réanimation mettant de côté pour un long moment sa vie personnelle.
Celui qui va en payer le prix c’est Maxime, cet aide-soignant lassé d’avoir à convaincre ses proches de la réalité de cette seconde vague. Autant les applaudissements du mois de mars l’ont porté, autant le scepticisme actuel lui donne l’épuisante sensation de ramer à contre-courant.
Celle qui va en payer le prix, c’est Vanessa, cette infirmière de l’HAD qui comme tant d’autres s’est retrouvée à prendre en charge des patients trop graves pour elle sans avoir eu le temps d’un encadrement digne de ce nom.
Celui qui en a payé le prix c’est Charles, cet interne qui a fini sa nuit plié en deux de douleurs et perfusé, la faute à un calcul bloqué du fait de n’avoir pu se poser pour boire suffisamment pendant sa garde de 24h.
Celle qui va en payer le prix c’est Mathilde, cette agent de service hospitalier qui a dû expliquer quotidiennement aux familles en détresse à l’entrée du service qu’un seul visiteur était autorisé par jour et par patient, laissant les autres à la porte avec leurs angoisses.
Ceux qui vont en payer le prix ce sont les internes, éternelle variable d’ajustement des hôpitaux, trimbalés de gauche et de droite au détriment de leur formation. Ceux qui vont en payer le prix ce sont tous les étudiants (infirmiers, aides-soignants, infirmiers anesthésistes) qui pour la deuxième fois de l’année sont venus nous prêter main forte plutôt que d’être sur leur terrain de stage à apprendre leur métier.
Enfin, celui qui va en payer le prix, c’est ce système de santé. Celui qui a voulu nous faire croire qu’à l’hôpital nul n’est irremplaçable et que tout le monde est interchangeable.
Celui qui oblige les hôpitaux à privilégier les contrats précaires des jeunes soignants plutôt que de récompenser l’expérience et les compétences, bien trop coûteuses à ses yeux.
Le plus gros de la vague est passé et pourtant nous ne sommes pas soulagés.
Elle laissera des traces indélébiles sur beaucoup d’entre nous et remettra en cause plus d’une vocation si rien n’est fait rapidement. Aujourd’hui la vague déferle en métropole.
A tous les soignants nous souhaitons énormément de courage. Cela sera long, très long, d’autant que vous vous sentirez plus isolés que jamais. Tenez bon, il y aura forcément une lumière au bout du tunnel mais à quel prix »
Signé : Les soignants du service de réanimation du CHU de la Guadeloupe
27/10/2020

Lexique médical français/kréyol

Après l’édition numérique de 2015 , voici l’édition papier (brochée) du lexique médical français/kréyol, disponible à la Librairie Antillaise, Maison de la Presse, ou sur le site de la FNAC .
‘Recueil de mots glanés au fil des consultations à la faveur du colloque singulier médecin/malade rend compte de la diversité de notre patientèle d’horizons créolophones différents…puisse cet outil … servir à l’indispensable rencontre avec l’autre. »
Pr. Jeannie Hélène-Pelage.

Tribune à signer « Halte à la fraude scientifique »

Pour signer la tribune « Halte à la fraude scientifique » notamment déja signée par les société de pathologie infectieuse (SPILF), de pneumologie (SPLF) et de réanimation (SRLF) de langue française, la société française de pédiatrie (SFP), le Collège National des Généralistes Enseignants (CNGE), et plein d’autres…

« Halte à la fraude scientifique

Cette pandémie est la première dans l’histoire de la science moderne.
Les moyens déployés et la mobilisation des chercheurs ont été sans précédent.
Tous les projecteurs étaient braqués sur le monde de la recherche, ce qui aurait contribué à démocratiser et rendre attractif ce domaine parfois vu comme lointain ou inaccessible.

Nos concitoyens étaient en droit d’exiger la science la plus sérieuse et honnête, dans l’intérêt supérieur de l’Humanité.
Force est de constater qu’ils ont été surpris et déçus.
Au lieu d’une unification des forces, ils ont assisté à une dispersion des moyens à l’échelle mondiale, européenne, et même nationale, nourrie par une impréparation et des égoïsmes, tant entre Etats qu’entre équipes de recherche, conduisant à une épidémie de petites études scientifiques locales parfois de mauvaise qualité qui ont fait perdre un temps précieux et sans doute beaucoup de vies humaines. L’Académie nationale de Médecine a alerté, sans succès.

Cependant, la confiance de nos concitoyens a surtout été brisée par la mise en lumière de fraudes scientifiques. L’affaire dite du « Lancet-gate » a eu un retentissement mondial, pas seulement dans la recherche, mais aussi sur des décisions internationales et nationales concernant la santé. Les différentes déclarations (San Francisco, Singapour, Hong-Kong) ou les recommandations et prises de position du réseau européen des bureaux d’intégrité scientifique (ENRIO) sont pertinentes mais ne suffisent plus : un accord international contraignant sur le système de publication scientifique, de relecture par les pairs, et d’évaluation de la recherche, doit être impulsée par l’Union Européenne.

Mais la France a aussi été un mauvais élève.

Quelques chercheurs minoritaires mais surmédiatisés, afin d’embellir artificiellement leurs résultats, ont exclu de leurs statistiques des patients dont le traitement n’a pas fonctionné et qui sont décédés, ont inventé des données d’une manière avantageuse lorsqu’elles étaient manquantes, n’ont pas fourni des informations pourtant facilement accessibles telles que les comorbidités de leurs patients, et ont refusé de transmettre à leurs pairs les données permettant de vérifier l’authenticité de leurs résultats. La liste est encore longue. Ils ont ainsi durablement déformé et altéré l’image de la science et de la recherche.

Publier hâtivement sur une plateforme de vidéos en ligne, un graphique biaisé, issu de tests non-fiables, de données partiellement inventées, après avoir écarté celles qui ne sont pas favorables, est une communication trompeuse abusant un public en attente de solutions, faisant naître de faux espoirs.

User de notoriété pour provoquer une augmentation des prescriptions d’un médicament, puis argumenter qu’il guérit en se basant sur des sondages ou le nombre de prescriptions, relève davantage de la prophétie auto-réalisatrice que de la preuve scientifique.

Proclamer qu’un traitement guérit sur la base de comparaisons trompeuses, de patients plus jeunes ou en meilleure santé, relève de la mauvaise foi.

Remettre en cause les essais contrôlés randomisés, revient à oublier les risques de facteurs de confusion, mépriser la notion d’équipoise du risque qui est un fondement de l’éthique médicale, et gravement méconnaître les apports considérables de cette méthode dans l’amélioration de la vie des malades depuis plus de cinquante ans.

L’argument selon lequel l’éthique médicale et le soin priment sur la recherche est fallacieux : l’histoire de la science et de la médecine nous montre bien des exemples où des vies ont été sauvées, parfois dans l’urgence, grâce à des idées novatrices voire dérangeantes, mais d’autres où l’empirisme a conduit à des morts par millions, ou au mieux à gaspiller du temps et de l’argent dans des voies sans issue. Continuer de proclamer une découverte en refusant de la prouver, est une utilisation abusive de cet argument qui entretient la confusion, et ramènerait la science au moyen-âge.

Les patients ont un souci compréhensible à défendre la qualité de prescription de leurs médecins. Cependant le même niveau d’exigence doit être imposé aux chercheurs bénéficiant d’un effort national financier considérable, pour qu’ils fournissent des résultats fiables et honnêtes, afin que les médecins puissent prescrire de façon éclairée, librement, mais toujours dans les limites fixées par la loi et selon les données acquises de la science, comme l’indique leur code de déontologie médicale. Il n’y a là rien d’une coquetterie élitiste, d’une lourdeur bureaucratique, ou de pressions de quelques puissances financières : il s’agit de l’application du serment d’Hippocrate « avant tout ne pas nuire ».

La science est évolutive et a toujours avancé par controverses et retournements de paradigmes : il est heureux que nos concitoyens le découvrent. Et toute découverte commence par la sérendipité ou l’intuition. Un scientifique est libre de ses hypothèses, de sa méthode, et de défendre celles qui vont à contre-courant. Mais pour convaincre, il doit apporter des résultats transparents, exhaustifs, reproductibles, afin que ses pairs puissent vérifier les résultats qu’il proclame : préalable indispensable pour en faire rapidement bénéficier la population.

En sciences, la réputation se construit par la solidité des découvertes et des preuves, et non l’inverse.

Il est anormal d’invoquer fallacieusement l’éthique et l’obligation de soin pour refuser un essai contrôlé randomisé, et dans le même temps inclure sans autorisation des enfants de 10 ans dans un essai clinique.

Il est anormal que la carrière des chercheurs et les systèmes de financement de la recherche soient basés davantage sur le nombre de publications (dépendant parfois d’un système de publication perfectible et au modèle économique discutable), plutôt que sur leur qualité (l’Académie des Sciences le déplore depuis dix ans), alors que les instances d’évaluation de l’intégrité scientifique devraient voir leur indépendance inscrite dans la loi, pouvoir s’autosaisir et avoir un droit de décision sur les carrières des chercheurs et les financements des équipes de recherche.

Il est anormal que des publications scientifiques passent la barrière de la relecture en moins de 24 heures, dans des journaux où les auteurs sont eux-mêmes rédacteurs-en-chef ou membres du tableau éditorial.

Il est anormal qu’à l’inverse, une procédure de relecture additionnelle d’une publication scientifique, déclenchée par une société savante, n’aboutisse qu’au bout de plusieurs mois.

Il est anormal que les citations entre auteurs d’une même équipe de recherche soient comptabilisées dans certains indicateurs de référence.

Il est anormal que des directeurs d’équipes de recherche co-signent des publications dont le nombre rend impossible le fait qu’ils y aient réellement participé.

Il est anormal et très grave que des chercheurs partiellement interdits de publication pour cause de fraude scientifique avérée, se voient promus à des responsabilités encore plus importantes ou même à des fonctions qui décident des carrières des autres chercheurs, alors que leurs instances dirigeantes auraient dû les écarter définitivement de la recherche.

Durant des décennies, la fraude scientifique d’une minorité de chercheurs a bénéficié d’une impunité, et a même servi de tremplin à leurs carrières, dans l’indifférence générale.
Les scientifiques et les médecins font partie des professions inspirant le plus confiance, ce qui constitue un puissant socle de stabilité de nos démocraties. Durant cette pandémie, l’image déplorable de la recherche a l’avantage d’avoir projeté ce sujet au-devant de la scène médiatique. Utilisons ces débats passionnés dont se sont emparés tous les français, et qui ont dangereusement clivé notre société, pour provoquer une transformation salutaire. Le moment est historique : les responsables politiques ont le pouvoir de changer les structures de décision des carrières des chercheurs et enseignants-chercheurs, et instaurer un système coercitif contre la fraude scientifique avec un véritable impact sur la carrière des quelques rares qui s’y adonnent.
Contre la fraude scientifique aussi, le « monde d’après » ne doit pas ressembler à celui d’avant. »

Les directives anticipées : Pratiques des médecins généralistes aux Antilles françaises

Etat des lieux sur les Pratiques des médecins généralistes aux Antilles françaises concernant les directives anticipées, avec cette thèse soutenue en mars, résumée ci-dessous.
RÉSUMÉ:
Contexte : La fin de vie et le concept de directives anticipées sont devenus un sujet majeur de santé publique. Le taux de rédaction de ces directives reste pourtant bas en France. Les attitudes des médecins généralistes pourraient jouer un rôle important.
Objectif : Explorer les attitudes et les pratiques des médecins généralistes ambulatoires à l’égard des directives anticipées dans deux départements français où la prévalence des pathologies chroniques et la mortalité précoce sont élevées.
Méthodes : Étude observationnelle, menée en Guadeloupe et Martinique (mai à novembre 2019), faisant appel aux méthodes mixtes. La première phase, qualitative, portait sur une population diversifiée de 14 praticiens, vus en entretiens semi-structurés. La seconde phase, quantitative, portait sur un échantillon aléatoire de 301 praticiens (taux de réponse = 71,5 %), soumis à un questionnaire ouvert constitué à partir des résultats de la première phase.
Résultats : 38% des participants avouaient méconnaître le dispositif des directives anticipées. Cette lacune entraînait une application limitée en ville : 37,5% des médecins avaient déjà recueilli des directives mais seulement un tiers d’entre elles étaient conformes au cadre réglementaire. Le principal
obstacle cité était le manque de temps (46,5 %) qui conduisait certains à remettre en cause la place du médecin traitant dans le recueil (20,9 %). Par pudeur ou par crainte de l’impact négatif que la rédaction de ces directives pouvait avoir sur leurs patients, les praticiens attendaient que cette démarche émane de ces derniers (43,5%).
Conclusion : Les participants étaient majoritairement favorables aux directives anticipées. Ils désiraient une meilleure information des populations par les pouvoirs publics afin de pouvoir aborder plus facilement le sujet en consultation. Ils demandaient aussi une amélioration de la formation des
médecins.
Pour le texte intégral : Thèse Directives anticipées – Maussion A & Gréhal C

Et pour plus d’informations je les quelles je vous renvoie notre article de 2017 : https://www.sentinelles971.com/directives-anticipees-et-personne-de-confiance/